« En France les troubles psychiques sont la première cause d’invalidité et d’arrêts de travail de longue durée. Ces troubles peuvent mettre la personne en situation de handicap, détériorer sa qualité de vie et celle de ses proches. Leurs répercussions économiques et sociales sont importantes : précarité, exclusion, conduites à risques, addictions, … » (données extraites de la Semaine d’Information sur la Santé Mentale mars 2017)
La plupart du temps les personnes atteintes cachent qu’elles en souffrent ou ne le savent pas elles- mêmes.
Cela faisait plusieurs années que je croisais tous les jours une dame d’une soixantaine d’années dans mon quartier, au moment où elle promenait son chien. Je ne la voyais jamais à un autre moment ou faire une autre activité. Tout le monde l’appelait par le diminutif Fred. Elle avait un look incroyable, elle m’intriguait et petit à petit nous avons sympathisé. Il aura fallu plus de 5 ans pour qu’elle m’invite à prendre un café CHEZ elle.
En entrant chez elle, j’ai compris qu’elle avait attendu tout ce temps pour être sure de pouvoir me faire confiance. Elle me laissait explorer un lieu où personne n’entre. Son « petit paradis » comme elle l’appelle, et où elle vit seule. Elle va plus loin dans les confidences. Ce que je prenais au départ pour une excentricité vestimentaire s’est révélée être bien plus que cela. Après l’adolescence, Fred est diagnostiquée maniaco-dépressive, avec des épisodes psychotiques et schizophréniques. Elle était un peu mannequin, un peu comédienne. Elle n’a jamais réussi à trouver un quelconque emploi à plein temps, et est en invalidité totale depuis plus de 30 ans.
Ses troubles du comportement font que Fred est incapable de jeter quoi que ce soit.
Elle entasse tout. Elle ne peut pas se projeter non plus, par conséquent la notion de temps et de tâches à enchainer tout au long de la journée sont des notions totalement abstraites. Le rapport à l’argent est particulier et est souvent lié à des achats compulsifs de vêtements avec la sensation d’avoir énormément d’argent. Souvent les personnes psychotiques ont un autre rapport à la réalité et ne ressentent pas vraiment la consistance de leur corps : elles se maquillent beaucoup pour se recréer une peau et mettent plusieurs couches de vêtements voyants.
Pendant les épisodes dépressifs elles n’ont plus de courage, ni pour sortir de chez elles, ni pour s’occuper de leur intérieur. Fred peut rester plusieurs jours allongée dans la même pièce. Le fait de devoir sortir sa chienne lui permet de ne pas être totalement coupée du monde.
La série photographique est accompagnée de:
• textes écrits par Fred (extraits),
• ses autoportraits dessinés (extraits),
• ses messages laissés sur mon répondeur. (Lien audio: https://www.youtube.com/watch?v=V7P7qSXprZU)
« In France, mental disorders are the leading cause of disability and long-term work stoppages. These disorders can put the person in a position of disability, worsen their quality of life and that of their loved ones. Their economic and social repercussions are important: precariousness, exclusion, risky behaviour, addictions, etc. » (data extracted from the Information Week on Mental Health March 2017)
« The title of the set Nobody knows indicates the difficulty of drawing the portrait of a character with protean featuress. If the art of a portrait consists in revealing the psychology of a person, in the tradition inaugurated by Nadar, one begins to discover Fred, Dominique Wildermann’s model, only by following the multiplicity that proposes a set. It is Fred who invents every moment the outbursts of her personality; it’s the photographer who, by her aesthetic choices, is able to bring to light the character’s manifestation. Fred becomes at any given moment what she decides to be, and dresses up as a diva, panther woman, rogue or mohawk. The set also offers some images of the small two-room apartment where Fred dwells as a recluse and has succeeded, over the years, in establishing the finest form of exuberance: one discovers an accumulation of unusual objects or superimposed hangings on the walls , especially those she did cover in graffiti. In the collection of a whimsical psyche’s outpourings, the photographer gives us access to the paradox of the reality of a fiction and all her art is to share with us the story of a woman, insatiable creator of multiple selves. »
Robert PUJADE
PhD in Philosophy, Senior lecturer in aesthetics,
Critic and historian of photography
- Textes écrits par Fred (extraits)
- Ses autoportraits dessinés (extraits)
- Ses messages laissés sur mon répondeur